Une place à la table du Père

décembre 9, 2024

[A Place at the Father’s Table]

Peter Amsterdam

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Le chapitre 14 de l’Évangile de Luc s’ouvre sur le récit d’un incident survenu un jour de sabbat : Jésus est invité à dîner dans la maison d’un dirigeant du parti pharisien. Une fois arrivé et après avoir guéri un homme couvert d’œdèmes en chemin, Il raconte une parabole.

« Ayant remarqué comment les invités cherchaient tous les places d’honneur, il leur dit cette parabole : —Si quelqu’un t’invite à un repas de noces, ne va pas t’installer à la place d’honneur. Peut-être y a-t-il, parmi les invités, un personnage plus important que toi et celui qui vous a invités l’un et l’autre viendra-t-il te dire : « Cède-lui cette place. » Il te faudra alors honteusement gagner la dernière place ! » (Luc 14.7–9 BDS).

Dans le monde méditerranéen de l’époque de Jésus, il était important de respecter le protocole qui déterminait la place de chacun lors des repas, surtout lorsqu’il s’agissait d’un événement important comme un festin de mariage. En de telles occasions, le statut et le prestige des convives étaient indiqués par leur place par rapport au bout de la table ; ainsi, l’homme le plus honoré était assis en bout de table et les autres personnes importantes étaient assises tout près de lui. À l’époque, le statut, le rang social et le protocole approprié avaient beaucoup d’importance, et le fait de manquer de respect à quelqu’un en le mettant à la mauvaise place à table était extrêmement offensant et même insultant.

Jésus remarqua que certains convives se disputaient pour occuper les places d’honneur à la table. En bons juifs pratiquants, ils devaient certainement connaître le proverbe suivant : « Ne fais pas l’important devant le roi, et ne te mets pas à la place des grands. Il vaut mieux qu’on te dise : « Viens t’asseoir plus haut, à cette place d’honneur » que de te voir humilié devant les nobles » (Proverbes 25.6–7 BDS).

En relatant cette parabole, Jésus soulignait un principe similaire. Si l’on se précipitait pour occuper une place d’honneur, on risquait de voir arriver plus tard une personne d’un statut supérieur qui avait la préséance pour cette place. Aucun hôte ne pouvait laisser un invité plus important occuper une place inférieure, car cela aurait constitué un manquement grave aux convenances.

Dans ce cas, l’hôte n’avait d’autre choix que de s’adresser à la personne qui avait pris la place d’honneur à laquelle elle n’avait pas droit pour lui demander d’aller s’asseoir à une place moins honorable. Et comme les autres invités seraient déjà tous assis, la seule place disponible serait la place la moins élevée d’un point de vue protocolaire. La personne présomptueuse qui se serait assise à la place d’honneur devrait alors se lever et aller s’asseoir honteusement à la place de moindre honneur devant tout le monde.

Jésus dit à ceux qui L’écoutaient qu’ils devraient adopter une ligne de conduite diamétralement opposée.

« Non, quand tu es invité, va, au contraire, te mettre tout de suite à la dernière place. Alors, quand ton hôte entrera dans la salle, il te dira : « Mon ami, il y a une place bien meilleure pour toi, viens t’asseoir plus haut ! » Ainsi tu seras honoré devant tous les convives. En effet, celui qui s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé. » (Luc 14.10–11 BDS).

Jésus disait qu’il valait mieux prendre humblement la place de moindre honneur car l’hôte pourrait alors vous demander de vous asseoir à une place plus honorable. Plutôt que d’être humilié en essayant de vous mettre en valeur, vous seriez honoré devant tous les autres invités.

Jésus a ainsi montré que l’humilité était la meilleure ligne de conduite, comme Il l’a enseigné ailleurs dans les Évangiles lorsqu’Il a dit : « si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même » (Matthieu 20.26–28 BDS). Et : « C’est pourquoi, celui qui se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux » (Matthieu 18.4 S21).

Nous retrouvons l’enseignement de Jésus sur l’humilité dans d’autres passages du Nouveau Testament, notamment dans ceux-ci : « Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il accorde sa grâce aux humbles. … Abaissez-vous devant le Seigneur, et il vous relèvera » (Jacques 4.6,10 BDS). Les apôtres conseillaient vivement aux croyants : « ne faites donc rien par esprit de rivalité, ou par un vain désir de vous mettre en avant ; au contraire, par humilité, considérez les autres comme plus importants que vous-mêmes » (Philippiens 2.3 BDS), et « Et vous tous, dans vos relations mutuelles, revêtez-vous d’humilité » (1 Pierre 5.5 BDS).

Ayant brossé le tableau de l’invité proverbial qui est humilié publiquement parce qu’il s’est montré présomptueux en choisissant la meilleure place, Jésus s’adressa ensuite à l’hôte qui L’avait invité au repas, en disant :

« Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, tes frères, ta parenté ou de riches voisins, car ils pourraient t’inviter à leur tour et te payer ainsi de ta peine. Non, si tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des paralysés, des aveugles. Si tu fais cela, tu en seras très heureux, précisément parce que ces gens-là n’ont pas la possibilité de te rendre la pareille. Et Dieu te le revaudra lorsque les justes ressusciteront » (Luc 14.12–14 BDS).

En raison de l’importance considérable accordée au prestige dans la société romaine (laquelle comprenait Israël, à l’époque), il était courant d’inviter les « bonnes » personnes à dîner, dans l’espoir qu’elles vous rendent la pareille ultérieurement —une pratique toujours en vigueur, aujourd’hui encore. Jésus avait probablement remarqué que le pharisien qui offrait le dîner et ses invités étaient pris dans ce cycle égoïste de réciprocité.

Jésus proposait une méthode plus conforme à la volonté de Dieu. Au lieu d’inviter des amis, des frères et sœurs, des membres de la famille et des personnes fortunées qui seraient tous tenus de rendre la pareille, Il enseignait qu’il fallait inviter ceux qui ne pourraient jamais retourner la faveur. Contrairement aux quatre groupes de personnes qui seraient obligés de rendre la pareille, Jésus cita quatre groupes de personnes dans le besoin : les pauvres, les estropiés, les paralysés, les aveugles.

Jésus préconisait l’hospitalité sans rien attendre en retour sous quelque forme que ce soit, ce qui est une meilleure ligne de conduite que le système de réciprocité convenue. La générosité qui vient du cœur, sans aucun motif ultérieur, fait plaisir à Dieu. Jésus disait que ceux qui font preuve d’une telle générosité seront bénis et récompensés dans la vie future, mais que cette récompense ne devrait pas en être la motivation. Les actes de bonté et de sacrifice reflètent l’amour et la miséricorde de Jésus envers les autres et ils sont le fruit de notre amour pour Lui.

Première publication : juillet 2018. Adapté et réédité en novembre 2024. Traduit de l’original par Bruno Corticelli. Lu par Marcel Minéo.

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