Cinq femmes de Noël

décembre 18, 2016

  [Five Women of Christmas]

Par Peter Amsterdam

Replaçons dans leur contexte les deux récits de la naissance de Jésus, tels qu’ils apparaissent dans les Evangiles de Matthieu et de Luc. Les deux Evangiles—en fait, tous les Evangiles—ont été rédigés plusieurs décennies après la mort de Jésus. Donc, quand les auteurs des Evangiles ont consigné le récit de la naissance du Christ, ils connaissaient déjà le dénouement de l’histoire. Ils savaient qui Il était, et les miracles qu’Il avait accomplis ; ils étaient au courant de sa mort et de sa résurrection, et ils savaient qu’Il avait apporté le salut à l’humanité.

Dans les décennies qui suivirent sa mort, les histoires sur Jésus, ses paroles, ses paraboles et ses enseignements furent transmis oralement par ceux qui L’avaient côtoyé, et qui avaient entendu ses paroles et absorbé son enseignement. Au fil des ans, les témoins oculaires, ceux qui L’avaient connu personnellement, ceux qui L’avaient entendu parler et qui L’avaient suivi, moururent à leur tour.

Pour pouvoir préserver ses enseignements, les auteurs des Evangiles consignèrent leur expérience et souvenirs personnels, dans le cas de ceux qui avaient été ses apôtres, ou dans le cas de Marc et de Luc qui n’avaient pas connu Jésus personnellement, ce qu’ils avaient entendu de la bouche de témoins oculaires ou lu dans les écrits d’autres auteurs concernant Jésus.

Les auteurs des Evangiles rassemblèrent toutes les informations qu’ils pouvaient trouver sur le Seigneur, en provenance de différentes sources, et ils rédigèrent leurs évangiles pour faire connaître Jésus au monde. Ils écrivirent leur récit dans un style que les lecteurs du 1er siècle de notre ère pouvaient comprendre. 

Matthieu, qui s’adressait à un public judéo-chrétien du 1er siècle, commence son récit par une longue généalogie qui énumère certains des ancêtres de Jésus, en commençant par Abraham et en incluant le roi David. Ses lecteurs juifs étaient familiers avec les promesses que Dieu avait faites à Abraham plusieurs millénaires auparavant, et selon lesquelles Dieu bénirait toutes les nations de la terre par sa descendance.

De plus, ils se seraient attendus à voir David figurer dans cette liste comme étant l’un des ancêtres de Jésus, puisque le Messie devait être issu de la lignée de David, d’après une promesse que Dieu lui avait faite.

Matthieu a donc inclus cette généalogie pour montrer que Jésus était un descendant d’Abraham, qu’Il était aussi de la lignée royale de David et qu’Il accomplissait ainsi les attentes bibliques concernant le Messie des juifs.

Matthieu donne une tournure inhabituelle à sa liste des ancêtres de Jésus. Contrairement à la généalogie de Luc—en fait, contrairement à la plupart des généalogies de l’époque—Matthieu inclut des femmes dans sa liste. Et pas n’importe quelles femmes, mais des femmes au comportement scandaleux, puisque Tamar, Rahab, Ruth, et Bath-Chéba figurent sur cette liste.

Tamar était une femme qui n’était pas de race hébreu et dont l’histoire nous est rapportée en Genèse 38.1–30. Elle avait d’abord été mariée à Er, le fils aîné de Juda. Er mourut sans lui laisser d’enfant. A l’époque, la coutume voulait que lorsqu’un homme mourait sans laisser d’héritier, son frère devait épouser sa veuve. Donc, conformément à la coutume, Tamar épousa le second fils, lequel mourut, lui aussi, sans laisser d’héritier. Juda, le beau-père de Tamar, prétexta que son troisième fils était trop jeune pour se marier et lui dit de retourner chez son père jusqu’à ce que son fils soit en âge de l’épouser, ce qu’elle fit. Mais les années passèrent et Tamar finit par comprendre que Juda n’avait pas l’intention de laisser son plus jeune fils l’épouser. Il semble qu’il ait craint que son troisième fils ne meure, lui aussi, s’il venait à l’épouser.

Alors Tamar prit une décision audacieuse. Ayant appris que son beau-père devait se rendre dans un certain village, elle s’habilla en prostituée, se couvrit le visage d’un voile et alla s’asseoir aux portes de la ville. Lorsque Juda arriva, il la vit et voulut s’offrir ses services. Il lui proposa un chevreau en paiement ; elle accepta et exigea son bâton et sa chevalière comme garantie, étant donné qu’il n’avait pas de chevreau avec lui. Il lui donna sa bague et son bâton, et il coucha avec elle sans même s’apercevoir que c’était Tamar. Une fois rentré chez lui, il envoya un de ses serviteurs apporter le chevreau à la femme, mais celui-ci ne trouva pas la « prostituée ». 

Tamar tomba enceinte, et quand Juda appris la nouvelle de la grossesse de sa belle–fille, il devint furieux et exigea qu’elle soit brûlée vive. Alors qu’on l’emmenait pour l’exécuter, Tamar fit parvenir un message à son beau-père en disant: « Je suis enceinte de l’homme auquel appartiennent ces objets. Vois si tu reconnais à qui sont la chevalière, le cordon et le bâton que voici. » Juda comprit alors qu’il était le père et s'écria : « Elle est plus juste que moi; elle a fait cela parce que je ne l'ai pas donnée pour femme à mon fils Chéla. » Tamar était une femme courageuse et bien décidée à faire valoir ses droits, et elle n’hésita pas à employer un moyen pour le moins inhabituel.

La seconde femme de cette liste était Rahab.[1] C’était une prostituée de la ville de Jéricho. Quand les deux espions israélites s’introduisirent dans Jéricho, elle les cacha pour les protéger et leur éviter d’être capturés. Elle n’était pas juive mais elle croyait que le Dieu d’Israël était le vrai Dieu, et elle le confessa en disant : « C'est l'Eternel votre Dieu qui est Dieu, en haut dans le ciel et ici-bas sur la terre. »[2] C’est ainsi qu’elle risqua la mort pour sauver les espions, et qu’elle renonça à sa vie passée pour suivre le peuple juif. Elle se maria suivant la coutume juive et devint une ancêtre de Jésus.

Ruth, la troisième femme de cette liste, n’était pas une juive, elle non plus; elle était originaire de Moab. Elle avait épousé le fils d’Elimelek et de Noémi, qui avaient émigré à Moab parce que la famine sévissait en Israël. Quelques années plus tard, son beau-père mourut, ainsi que son mari, peu après. Quand sa belle-mère, Noémi décida de retourner en Israël, Ruth la suivit par amour et par loyauté. Elles allèrent à Bethléem, et c’est là que Ruth fit la connaissance de Boaz qui était un parent de Noémi, et qu’elle l’épousa.

C’est une très belle histoire.[3] Ruth était allée dans les champs que les ouvriers de Boaz moissonnaient. La loi stipulait que les pauvres avaient le droit de suivre les moissonneurs et de ramasser les gerbes ou les épis que ceux-ci oubliaient ou laissaient derrière eux.[4] C’est ce qu’on appelait le glanage. Ruth était donc en train de glaner dans ses champs quand Boaz la remarqua pour la première fois. C’était un homme connu pour sa bonté ; il lui dit qu’elle pouvait continuer à glaner dans les champs où ses ouvriers récoltaient la moisson, et lui promit qu’ils ne l’importuneraient pas. Il ajouta qu’elle pouvait boire leur eau et l’invita même à partager leur repas. Il donna pour consigne à ses ouvriers moissonneurs de laisser exprès des gerbes derrière eux pour qu’elle puisse les glaner. 

A la fin de la moisson, Ruth s’introduisit à l’endroit où Boaz s’était installé pour dormir et écarta la couverture qui lui recouvrait les pieds. Et elle se coucha là. Au milieu de la nuit, Boaz se réveilla et vit qu’elle était là. Surpris, il lui demanda qui elle était, et elle lui expliqua qu’elle était une proche parente. En réalité, elle lui faisait comprendre qu’elle était libre pour un mariage lévirat. Boaz l’épousa et ils eurent des enfants. C’est ainsi que Ruth, une Moabite qui avait la foi et s’était montrée loyale, devint l’arrière-grand-mère du roi David.

La dernière femme de cette liste est Bath-Chéba.[5] Matthieu l’appelle « l’épouse d’Urie ». Bath-Chéba était juive mais son mari était un Hittite. Un jour, alors que son mari, qui était soldat dans l’armée de David, était parti à la guerre, Bath-Chéba prit un bain et se trouva bien en vue du balcon du palais du roi David. Elle attira l’attention de David. Il envoya un serviteur la chercher, ils firent l’amour, et elle tomba enceinte.

Pour étouffer l’affaire, David ordonna à Urie de revenir du front à Jérusalem, dans l’espoir qu’il coucherait avec sa femme, mais Urie refusa d’entrer chez lui pendant que ses compagnons d’armes étaient au combat. Alors David s’arrangea pour qu’Urie se fasse tuer. Après que Nathan l’eut accusé du meurtre d’Urie et d’avoir commis l’adultère avec Bath-Chéba, David se repentit. Il épousa Bath-Chéba, et bien que l’enfant qu’elle portait mourût, Bath-Chéba eut un autre enfant, Salomon, qui succéda par la suite à David come roi d’Israël.

L’arbre généalogique de Jésus inclut quatre femmes qui sortaient de l’ordinaire. Trois d’entre elles n’étaient pas juives, et celle qui l’était était mariée à un non–juif. L’une d’elles était une prostituée et une autre se fit passer pour une prostituée. L’une d’elles commit un adultère tandis qu’une autre osa se coucher aux pieds d’un homme qui n’était pas son mari. On peut dire que c’étaient ses ancêtres féminins étaient pour le moins atypiques.

Mais alors, pour quelle raison Matthieu les a-t-il inclues dans sa généalogie? Il était très inhabituel d’inclure les femmes dans une généalogie. Dans sa généalogie de Jésus, Luc n’en inclut aucune. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier pour les lecteurs de l’Evangile de Matthieu au premier siècle de notre ère ? De la généalogie en général, ils auraient compris que Jésus était issu de la lignée royale de David, ce qui était très important vu que les écrits saints indiquaient que le Messie sortirait de la maison de David. Ils auraient également reconnu le nom de certaines femmes, et étant juifs, ils auraient su qui étaient ces femmes et auraient été au courant de leur histoire assez inhabituelle.

Voici d’autres points qu’ils auraient compris :

1.         Trois de ces quatre femmes n’étaient pas juives, et bien qu’elle soit juive, Bath-Chéba était mariée à un étranger. Le message transmis était qu’il y avait des non-juifs dans la lignée royale, et par conséquent, Jésus n’était pas venu sauver uniquement les Juifs mais également les non-Juifs. Matthieu faisait passer le message –un message que l’Eglise primitive comprenait très bien—que la mission du Messie ne concernait pas seulement les Juifs, mais aussi les non-Juifs. Tous étaient les bienvenus dans le royaume de Dieu.

2.         Tamar s’était battue pour faire valoir ses droits légitimes, bien que ses méthodes aient été pour le moins discutables. Rahab était une prostituée. Bath-Chéba s’était rendue coupable d’adultère. Par contre, bien que Ruth ait fait quelque chose d’osé et qui sortait de l’ordinaire, elle n’avait apparemment commis aucun acte répréhensible. Il y avait parmi les ancêtres de Jésus à la fois des saints et des pécheurs, de la même façon que des pécheurs et des saints deviennent membres de la famille de Dieu par le salut.

3.         L’arbre généalogique de Jésus est composé d’hommes et de femmes, de la même façon que le ministère de Jésus s’adressait aussi bien aux hommes qu’aux femmes et qu’Il touchait à la fois des hommes et des femmes. Dans la culture de l’époque, les femmes participaient de façon minimale aux rites religieux du judaïsme. Dans la société juive, les femmes n’étaient généralement pas très bien considérées. Ce qu’elles avaient le droit de faire en public était très limité. Elles avaient très peu de droits. Pourtant, Jésus avait des disciples hommes et femmes, et certaines de ces femmes voyageaient avec Lui et les disciples, ce qui, pour l’époque, était tout à fait inhabituel. Ses enseignements étaient destinés aux deux sexes, et Il mettait un point d’honneur à mettre en scène à la fois des hommes et des femmes dans ses paraboles. C’était un aspect du ministère de Jésus qui était tout à fait exceptionnel et inhabituel pour l’époque.

4.         L’union matrimoniale de chacune de ces femmes comportait de sérieuses zones d’ombre et d’irrégularité, et pourtant, elles étaient bénies de Dieu et jouèrent un rôle important dans la généalogie de Jésus. Quant à Marie, la mère de Jésus, elle se trouva, elle aussi, dans une situation très inhabituelle et tout à fait irrégulière, dont Matthieu n’allait pas tarder à nous faire le récit dans le chapitre suivant de son Evangile.

5.         Ces femmes, qui étaient des ancêtres de Jésus, n’avaient pas froid aux yeux et elles avaient du courage. Grâce à leur sens de l’initiative, à leur foi, à leur courage et à leur audace, ces femmes jouèrent un rôle essentiel et durable dans l’histoire du salut. Marie aussi était audacieuse et elle avait beaucoup de foi pour avoir accepté de devenir la mère de Dieu, alors que cela paraitrait scandaleux et ferait de la peine à l’homme qu’elle aimait. Dieu s’est non seulement servi de situations en apparence scandaleuses et tout à fait inhabituelles dans la vie de certaines ancêtres de Jésus, mais Il a aussi appelé Marie, une jeune femme qui venait de se fiancer, à risquer son mariage, sa réputation, et même sa vie, pour être la dernière personne dans l’arbre généalogique du Seigneur. Matthieu indiquait par-là que, même si aux yeux des hommes, la grossesse de Marie était un véritable scandale, Dieu avait tout arrangé et qu’Il avait amené son Fils dans le monde d’une manière tout à fait extraordinaire.

Matthieu commence son récit de la naissance de Jésus en montrant qu’Il n’est pas seulement de la lignée royale de David, mais qu’Il est venu apporter la rédemption aux hommes et aux femmes, aux Juifs et aux non-Juifs, aux pauvres et aux opprimés, à ceux dont les droits sont violés, aux indigents et aux rois, aux saints et aux pécheurs, en somme, à tout le monde. 

Matthew faisait valoir que Jésus s’était sacrifié et était mort pour tout le monde. Peu importe que l’on soit un homme ou une femme, un saint ou un pécheur. Il ne fait aucune discrimination, quelle que soit la nationalité, la race ou la religion d’une personne. Le don du salut est pour tout le monde. A nous chrétiens, Il nous a demandé de parler de Lui aux autres et d’être prêts, que l’occasion soit ou non favorable, à partager Jésus avec les gens dont nous croisons la route, quels qu’ils soient.

C’est l’époque de Noël, et c’est le moment de l’année idéal pour donner aux autres le plus magnifique cadeau qui soit—le salut en Jésus. Il y a sûrement des gens dans notre entourage qui ont besoin de Lui, alors faisons de notre mieux pour les aider à trouver son merveilleux amour, son immense amour éternel.

 

Première publication: novembre 2012. Adapté et réédité, le 5 décembre 2016. Traduit de l’anglais par Bruno et Françoise Corticelli.



[1] Josué 2.1–21.

[2] Josué 2.11 BDS.

[3] Le livre de Ruth

[4] Deutéronome 24.19–22.

[5] 2 Samuel 11.

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