Les apparences et le tableau d’ensemble

novembre 9, 2016

 [Appearances and the Big Picture]

Par Maria Fontaine

Avez-vous parfois l’impression d’être un raté ? Les choses ne se sont pas déroulées comme vous le pensiez ou comme vous l’auriez voulu. Votre attente a été déçue, vous n’avez pas atteint votre but. Vous êtes tenté de penser que si vous avez échoué, c’est de votre faute ou celle des autres.

Mais vous cherchez du réconfort dans le Seigneur car vous savez que vous êtes resté loyal. Vous avez essayé de Lui être fidèle. Vous avez fait ce qu’Il vous a demandé dans la mesure de vos possibilités. Vous avez fait votre possible pour gagner des âmes pour Lui. Vous avez consacré votre vie à aider et à aimer les autres.

Eh bien, laissez-moi vous parler d’un homme qui avait vraiment le sentiment d’être un raté.

Il était chétif, souvent déprimé au point de ne plus vouloir vivre. A 14 ans, il avait déjà perdu ses deux parents. Il a été renvoyé de l’université, ce qui signifiait que son rêve de faire des études supérieures et de devenir pasteur était réduit à néant. Il souffrait de la solitude et de l’isolement. Il a affronté la peur de la mort. Il est mort jeune et pauvre, à la suite d’une grave maladie, sans avoir eu le temps, semble-t-il, d’accomplir grand-chose.

A ses yeux et aux yeux de beaucoup de ses contemporains, c’était un raté. Pourtant il est passé à la postérité et son histoire a inspiré de nombreux missionnaires et ouvriers de Dieu, passés et présents. Ses convertis ont continué à témoigner aux autres, et son travail missionnaire en a influencé beaucoup. Des générations de Chrétiens ont été inspirées par son cahier de prières.  

Il est mort sans savoir s’il avait accompli quoi que ce soit, si ce n’est qu’il avait gagné quelques convertis. C’est seulement après sa mort qu’on l’a honoré.

Ce sont ses combats ici-bas – ses soi-disant échecs – sous forme de doutes et de dépression, et son angoisse spirituelle, qui ont aidé de nombreux autres missionnaires, et les ont encouragés et fortifiés dans leurs missions.

Etait-ce vraiment un échec ? Ou Dieu voulait-Il utiliser sa vie comme une bougie – quelle que soit la petitesse de la lumière et la brièveté de son éclat, avant qu’elle ne s’éteigne – pour illuminer et encourager les futures générations d’ouvriers de Dieu ?

Son nom ? David Brainerd.

Je me suis demandée : Dieu s’est-Il trompé ? Est-il possible de passer pour un raté aux yeux du monde et d’avoir cependant réussi aux yeux de Dieu ?

Voici un bref aperçu de son existence, que j’ai compilé et résumé à partir de nombreux ouvrages et des liens sur internet.

David Brainerd, missionnaire auprès des Indiens d’Amérique du Nord. Né le 20 avril 1718 ; décédé le 9 octobre 1747, à l’âge de 29 ans.

A l’âge de 21 ans, il reçut le Sauveur et décida d’être un témoin. En septembre 1739, il s’inscrivit à l’Université de Yale. Yale fut une période de transition. Quand il entra à l’école, il fut attristé par l’indifférence religieuse qu’il constatait autour de lui, mais l’influence de l’évangéliste George Whitefield et le ‘Grand Réveil’ laissèrent bientôt leur empreinte. Les groupes de prières et d’études bibliques se multiplièrent soudain – généralement au grand mécontentement des autorités universitaires, qui redoutaient cet « enthousiasme » religieux. C’est dans cette atmosphère que le jeune Brainerd fit une remarque inconsidérée à l’encontre de l’un de ses professeurs, déclarant qu’il n’avait « pas plus de grâce qu’une chaise », et le traita d’hypocrite. La remarque fut rapportée à la direction de l’école, et David fut renvoyé parce qu’il refusait de s’excuser publiquement de ces propos tenus en privé.

Mais Brainerd persista dans ses efforts pour répandre l’Evangile, même s’il était considéré comme une personne à risque en tant que candidat missionnaire, d’après les critères établis par les sociétés missionnaires modernes. Il avait, selon sa propre description, une disposition à la mélancolie. Physiquement faible, il avait souvent des problèmes de santé et souffrait de dépression, et il devait fréquemment se mettre en congé.

En 1742, il obtint un poste de missionnaire auprès des Indiens. Sa première année d’activité missionnaire ne fut pas particulièrement un succès. Il ne parlait pas la langue des autochtones et n’était pas préparé aux difficultés de la vie dans une région sauvage. Il était seul et profondément triste. Il écrivait :

Mon cœur était accablé … Il me semblait que je n’obtiendrais jamais aucun succès parmi les Indiens. Mon âme était fatiguée de vivre ; je désirais la mort, plus que tout au monde.

Je vis dans le plus solitaire désert de mélancolie … Je loge chez un pauvre Ecossais, dont l’épouse ne parle que quelques mots d’anglais. Mon régime alimentaire est constitué la plupart du temps de gruau [genre de bouillie de blé moulu], de maïs bouilli, et de pain cuit dans la cendre … Mon habitation est une petite hutte de paille posée sur quelques planches. Mon travail est extrêmement pénible et difficile…

Au cours de son premier hiver passé dans la nature sauvage, il fit face à de nombreuses épreuves et à la maladie. Il considéra sa deuxième année de service missionnaire comme un échec total, et ses espoirs d’évangéliser les Indiens s’amenuisèrent. Il envisagea sérieusement de laisser tomber son travail.

La troisième année, il se rendit dans une région différente et rencontra un groupe d’Indiens plus réceptifs. Ses réunions commencèrent à attirer plus de 70 individus à la fois, certains d’entre eux ayant parcouru plus de 60 kilomètres pour entendre le message du salut. Des signes d’éveil religieux commencèrent à apparaître, et après un an et demi, le prêcheur itinérant avait 150 convertis, dont certains allèrent témoigner aux autres.

Lors du premier voyage de Brainerd pour atteindre une tribu féroce, un miracle eut lieu, qui le consacra parmi les Indiens comme un « prophète de Dieu. » Installé aux abords d’un camp indien, Brainerd avait prévu d’entrer dans leur village le matin suivant, afin de leur prêcher. A son insu, chacun de ses faits et gestes étaient épiés par des guerriers qui avaient l’intention de le tuer. F.W. Boreham rapporte l’incident :

Quand les braves s’approchèrent de la tente de Brainerd, ils virent le visage pâle agenouillé. Soudain, alors qu’il priait, un serpent à sonnettes se faufila vers lui, leva sa tête hideuse pour le frapper, agita sa langue fourchue en lui touchant presque le visage, puis, sans raison apparente, le serpent disparut rapidement dans les buissons. « Le Grand Esprit est avec le visage pâle ! » s’écrièrent les Indiens ; et c’est ainsi qu’ils lui accordèrent l’accueil réservé à un prophète.

Cet incident dans le ministère de Brainerd est bien plus qu’une simple illustration des nombreuses interventions divines dans sa vie – il démontre aussi l’importance et l’intensité de sa vie de prière. Page après page, dans ‘La vie et le Journal de David Brainerd’, on peut lire des phrases comme celle-ci :

Dieu m’a une nouvelle fois permis de lutter pour de nombreuses âmes, et d’avoir une plus grande ferveur dans la douce occupation de la prière d’intercession.

Ce matin, j’ai passé plus de deux heures à des tâches secrètes et il m’a été donné plus que d’ordinaire d’agoniser pour les âmes immortelles.

Ai passé plus de temps en prière dans les bois, avec la sensation de m’élever au-dessus des choses de ce monde.    

Etais, dès l’aube, presque totalement immergé dans la prière.

Ai eu la possibilité de beaucoup prier, toute la journée.

Ai passé ce jour à jeûner en secret, et à prier, du matin jusqu’au soir.

Il pleuvait et les routes étaient embourbées ; mais ce désir prenait une telle importance que je m’agenouillais sur le côté de la route pour exposer ma requête à Dieu. Tandis que je priais, je Lui dis que mes mains devaient travailler pour Lui, ma langue parler pour Lui, s’Il acceptait de m’utiliser comme son instrument – et soudain, l’obscurité de la nuit s’est éclairée, et je savais que Dieu avait entendu et répondu à ma prière.

Me voici, conduis-moi ; conduis-moi aux extrémités de la terre ; conduis-moi à travers les rudes contrées païennes et sauvages ; conduis-moi hors de tout confort sur terre ; conduis-moi même à la mort ; si c’est à ton service et pour la promotion de ton royaume.

Dans les silences que je fais, au milieu du tourment de la vie, j’ai rendez-vous avec Dieu. De ces silences, je ressors avec un esprit rafraîchi et une sensation de puissance renouvelée. J’entends une voix dans ces silences, et je me rends de plus en plus compte que c’est la voix de Dieu.

J’ai pu constater que si une âme aime Dieu d’un amour suprême, les centres d’intérêt de Dieu et les siens ne font plus qu’un. Peu importe quand, où, ou comment Christ m’envoie, ou à quelles épreuves Il doit me confronter, si je suis prêt pour son travail et sa volonté … Oh ! Je voudrais n’être qu’une flamme de feu pour la cause de mon Maître! … Je ne me soucierais pas de savoir où ni de comment je vis, ni quelles épreuves je dois traverser, afin que je puisse gagner quelques âmes à Christ. Pendant que je dormais, je rêvais de ces choses, et quand je me réveillais, la première chose à laquelle je pensais, c’était ce travail fantastique. Tous mes désirs allaient vers la conversion des païens, et je plaçais en Dieu tous mes espoirs.

Après toutes les épreuves que Brainerd endura, son état de santé se détériora. Il mourut à l’âge de 29 ans, le 9 octobre 1747. Sa dévotion sans borne, son zèle et sa vie de prière, ont inspiré d’autres missionnaires, comme Henry Martyn, William Carey, Jonathan Edwards, Adoniram Judson et John Wesley. Après sa mort, son influence fut plus importante que toutes ses réalisations de son vivant. Son journal intime devint un classique qui a inspiré de nombreux individus à devenir missionnaires. Son influence est une preuve que Dieu peut utiliser n’importe quel instrument, aussi fragile et frêle soit-il, du moment qu’il est vendu à la cause des âmes et du Sauveur.

Première publication: août 2011. Adapté et réédité sur Anchor, le 27 octobre 2016. Traduit de l’anglais par Jeff de Tahiti et Françoise Corticelli.

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