Un café et un baiser ?

août 27, 2016

  [A Coffee and a Hug ?]

Par Maria Fontaine

Le célèbre écrivain chrétien Tony Campolo, qui est également conférencier et sociologue, nous parle d’une rencontre qu’il a faite alors qu’il marchait dans les rues de la banlieue de Philadelphie :

« J’ai remarqué un clochard qui se dirigeait vers moi. Il était couvert de saleté et de crasse de la tête aux pieds. Il avait des croûtes dégoutantes sur la peau. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’était sa barbe. Elle lui tombait pratiquement jusqu’à la taille et était parsemée de nourriture en décomposition. L’homme tenait dans la main une tasse de café de chez Mac Donald, et le rebord de la tasse avait la marque de sa bouche sale. Il s’est avancé vers moi en titubant, et paraissait fixer le fond de sa tasse de café.

Tout à coup, il a levé la tête et s’est écrié : « Hey, m’sieur ! Vous voulez un peu de mon café ? »

Je dois avouer que je n’en avais aucune envie. Mais je savais que la bonne façon de réagir était d’accepter sa générosité, et j’ai donc répondu : « J’en prendrais bien une gorgée. »

Quand je lui ai rendu sa tasse, j’ai dit : « Vous êtes plutôt généreux, à partager ainsi votre café ? Qu’est-ce qui vous est arrivé aujourd’hui qui vous rende aussi charitable ? »

Le vieux clochard m’a regardé droit dans les yeux en disant : « Eh bien, le café est particulièrement bon aujourd’hui, et je me suis dit que si Dieu me donne quelque chose d’aussi bon, je me dois de le partager avec les autres ! »

Je me suis dit : « Mince. Il m’a bien eu, ça va me coûter 5 dollars. » Je lui ai demandé : « Je suppose que je peux faire quelque chose pour vous en retour, non ? »

Il m’a répondu : « Ouais ! Vous pouvez m’embrasser! »  (Honnêtement, j’aurais préféré qu’il me demande 5 dollars.)

Il m’a pris dans ses bras et je l’ai pris dans mes bras. Puis soudain j’ai réalisé qu’Il n’allait pas me lâcher ! Les gens passaient de chaque côté. Ils m’observaient. Je me tenais là, dans mes beaux habits, en train d’embrasser un clochard d’une saleté repoussante ! J’étais gêné. Je ne savais pas quoi faire.

Puis, petit à petit, mon embarras s’est changé en étonnement et en vénération. J’ai entendu une voix résonner dans les corridors du temps qui me disait : « J’ai eu faim ; m’as-tu donné à manger ? J’étais dévêtu ; m’as-tu donné une tunique ? J’étais malade ; m’as-tu soigné ? J’étais le clochard que tu as rencontré dans la rue, m’as-tu embrassé ? Car chaque fois que tu fais cela à l’un des plus petits de mes frères, c’est à Moi que tu le fais. »[1]

En réfléchissant à cette histoire, je me suis demandé : « Est-ce que j’aurais pu montrer autant d’amour ? »

Bien sûr, je peux donner un tract à quelqu’un, je peux donner un peu d’argent,  je peux dire quelques mots d’encouragement. Mais qu’en serait-il si la situation, quelle qu’elle soit, exige que je donne plus que je ne le ferais d’ordinaire, plus que j’ai l’habitude de donner ?

Cela m’a fait penser aux sacrifices que les chrétiens actifs font depuis des années, et continuent de faire, pour partager l’amour de Dieu autour d’eux.

En méditant par la suite sur cette aventure, je me suis rendue compte que la solution était que si Dieu nous demande quelque chose, Il nous donne la grâce de le faire de tout notre cœur. Quand nous partageons un amour et un intérêt sincères et sans arrière-pensée pour les autres, que ce soit dans une maison de retraite, une prison, un orphelinat, dans un taudis de bidonville, ou simplement dans la rue, cela peut paraître un sacrifice si nous le concevons en termes purement physiques. Mais si nous nous concentrons sur le spirituel et l’impact éternel de l’amour inconditionnel du Seigneur, quand Il le déverse à travers nous sur ceux qui sont dans le besoin, nous sommes contraints par son Esprit à Le refléter comme Il sait que la situation l’exige. Même ce qui est « déplaisant » physiquement devient un objet de beauté lorsque nous devenons un maillon dans lien du Seigneur avec ceux qui ont un besoin désespéré d’un « baiser » de leur Sauveur.

Est-ce que j’ai beaucoup d’amour ? Pas vraiment, en comparaison de Jésus, ça ne fait aucun doute ! Je pense que le Seigneur comprend de quoi nous sommes faits et ce pour quoi nous avons de l’amour et de la foi. Il peut nous amener à étendre notre zone de confort, mais Il sait aussi de quoi nous sommes capables. Si le Seigneur nous met spécifiquement dans une situation inconfortable et nous fait savoir clairement ce que nous devons faire, alors Il nous donnera l’amour et la grâce de Le suivre.

Il ne s’agit pas toujours d’un scénario inhabituel comme dans cette histoire. Il y a des situations qui sont de l’ordre de la simple politesse. Un jour, j’ai fait l’erreur de refuser quelques chips d’un sachet de chips que quelqu’un me tendait – alors que c’était un geste de gentillesse de sa part de me les offrir. Je me suis sentie mal à l’aise après cela et je me suis promis d’essayer d’accepter la chose qu’on m’offrirait que je le veuille ou non et même si je mangeais rarement de cette nourriture. Est-ce que je mangerais dans l’assiette d’une autre personne et que je boirais dans son verre ? Probablement pas en temps normal. Mais si le Seigneur met dans mon cœur que c’est très important de le faire, alors j’espère que je le ferais.

Pourrais-je embrasser sincèrement un mendiant ? Je l’espère, si le Seigneur me montrait qu’Il s’attend à ce que je le fasse. J’ai bien  conscience que ce qui est un sacrifice pour une personne peut ne pas l’être pour une autre. Il peut être plus aisé pour quelqu’un de donner un peu de son argent pour aider une personne qu’il ne lui serait de l’embrasser. Pour un autre, ce serait plus facile de donner un baiser. Ou bien, quelqu’un sacrifierait un temps précieux à s’asseoir et à parler avec quelqu’un plus facilement qu’il ne donnerait de ses moyens financiers limités.

Pouvons-nous demander au Seigneur de nous donner assez d’amour pour que face à une situation, quelle qu’elle soit, nous fassions de notre mieux pour y répondre comme Jésus le ferait ? Que le sacrifice soit grand ou petit, nous pouvons être Jésus pour quelqu’un, non seulement à travers notre ministère spirituel, mais aussi par nos actes physiques, sachant que c’est pour Jésus que nous le faisons. « Chaque fois que vous avez fait cela au moindre de mes frères que voici, c'est à Moi-même que vous l'avez fait. »[2]

Première publication: mars 2012. Réédité sur Anchor en juillet 2016. Traduit de l’anglais par Jeff de Tahiti



[1] Extrait de Let Me Tell You A Story [Laissez-moi vous raconter une histoire] par Tony Campolo, (Thomas Nelson, 2000).

[2] Matthieu 25.40

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