Une béquille ou une croix

mai 11, 2016

Par Simon Wenham

 [A Crutch or a Cross]

Dans ses « fondements apologétiques », Alister McGrath souligne que « l’une des critiques les plus fréquentes adressées au christianisme, c’est qu’il apporte une consolation à ceux qui ont raté leur vie. »[1] Les croyants sont souvent caricaturés comme étant quelque peu faibles et naïfs – le genre d’individus qui ont besoin de leur foi comme d’une « béquille » pour les aider à traverser l’existence. Dans la nouvelle littérature athée, cette représentation est souvent mise en opposition avec l’image d’un intellectuel athée plus entreprenant, qui n’a pas besoin d’une telle absurdité infantile, quoique réconfortante. Ce genre de description peut en interpeller certains, mais est-elle vraiment justifiée ?[2]

Premièrement, il est nécessaire de définir ce que l’on entend par une « béquille. » Dans le jargon médical, le terme désigne clairement un instrument utilisé par les gens pour les soutenir quand ils sont blessés. Cette évocation implique, par conséquent, que ceux qui en ont besoin sont, d’une certaine façon, déficients ou blessés. Dans un sens, il est clair que le plus vulnérable puisse avoir besoin d’une assistance,  mais comme le dit l’agnostique John Humphrys : « N’en avons-nous pas tous besoin ? Certains ont recours à la boisson plutôt qu’à une Bible. »[3] Comme cela l’indique, ce n’est pas tant la question de savoir si vous en avez une, mais plutôt de quelle genre de béquille il s’agit. C’est un point important, puisque les gens font appel à toutes sortes de choses pour leur réconfort ou pour avoir confiance en eux-mêmes ; cela va de leurs possessions matérielles, l’argent, la nourriture, et de l’esthétique aux cigarettes, à la drogue, à l’alcool et au sexe. Plutôt que d’être perçus comme des signes de faiblesse, beaucoup de ces choses sont même considérées comme étant relativement normales par la société, du moment qu’elles ne débouchent pas sur un comportement destructeur associé aux addictions sévères. Pourtant, beaucoup d’entre elles ne procurent qu’un bref soulagement des épreuves de la vie, et parfois, elles ne font seulement que cacher une détresse plus profonde. Par conséquent, suggérer qu’un athée est en quelque sorte plus solide qu’un croyant, c’est nier le côté sombre de l’humanité,  qui n’est que trop évident si nous regardons le monde qui nous entoure. Comme l’explique McGrath :

« Si vous avez une jambe cassée, vous avez besoin d’une béquille. Si vous êtes malade, vous avez besoin d’un médicament. C’est logique. La compréhension chrétienne de la nature humaine, c’est que nous sommes endommagés, blessés et invalidés par le péché. C’est aussi simple que cela. »[4]

De plus, Augustin d’Hippone comparait l’église à un hôpital, parce qu’elle est remplie de gens blessés et malades qui attendent d’être guéris.[5] Comme c’est le cas avec n’importe quelle maladie, le traitement ne peut commencer que si une personne admet qu’elle est malade ou qu’elle a besoin d’aide. Il existe tout un tas de preuves qui indiquent que la croyance religieuse a un effet avantageux sur la santé mentale et physique. Andrew Sims, ancien président du Collège Royal de Psychiatrie, écrit qu’un « énorme volume de recherches » confirme cela, et que c’est « l’un des secrets les mieux gardés en psychiatrie et en médecine généraliste. »[6] Dans une culture qui semble souvent exalter par-dessus tout la santé, le bien-être et le bonheur, cela devrait rendre la croyance religieuse très attrayante dans notre société, autant pour le faible que pour le fort.

Beaucoup de croyants témoignent de l’effet de transformation que le fait de devenir un Chrétien a eu dans leur vie, et cela peut inclure d’être délivrés de certaines béquilles sur lesquelles ils s’appuyaient auparavant. Pourtant, l’idée que la découverte de la foi est, d’une certaine façon, libératrice ou stimulante est, bien évidemment, anathème pour beaucoup de gens. Christopher Hitchens, par exemple, parle de la nature totalitaire du christianisme qui garde ses adeptes dans un état d’asservissement constant.[7] G.K. Chesterton voyait cela différemment, car il suggérait que la « dignité de l’homme » et la « petitesse de l’homme » étaient maintenues en parfait équilibre, ce qui permettait aux gens d’avoir une bonne estime de soi sans pour autant avoir la grosse tête.[8]

Mais Dieu offre clairement bien plus que cela. En 2 Corinthiens 12:9, il est écrit : « Ma grâce te suffit, c'est dans la faiblesse que ma puissance se manifeste pleinement. »[9] L’idée d’une force surgissant de la faiblesse humaine peut sembler absurde dans notre culture contemporaine qui a le risque en aversion, mais comme le souligne Simon Guillebaud, « Paradoxalement, agiter le drapeau blanc de la soumission au droit que Dieu a sur nos vies est la clef qui déverrouille la porte vers de nombreuses victoires à venir en son nom. »[10] Cependant, comme l’a fait observer C.S. Lewis, les gens choisiront toujours de s’accrocher à leurs béquilles, même si quelque chose de mieux leur est proposé :

« Nous sommes des créatures veules et sans grande conviction, qui flirtons avec la boisson, le sexe et l’ambition, alors qu’une joie infinie nous est offerte, comme un enfant ignorant qui veut continuer à faire des pâtés de boue dans un bidonville parce qu’il ne peut pas imaginer qu’on veuille lui offrir des vacances à la mer. Nous sommes satisfaits beaucoup trop facilement. »[11] 

Il peut donc être utile de réfléchir aux choses sur lesquelles nous nous appuyons vraiment dans nos vies, et à l’impact que cela a sur nous. Comme nous le rappelle le blogueur et ancien athée, Daniel Rodgers, nous ne voulons pas passer à côté de la plénitude de vie que Dieu nous offre à tous, que nous pensions ou non en avoir besoin :

« La vérité, c’est que Jésus ne nous a jamais offert une béquille, mais une croix ; Il ne nous a pas appelés à être des personnes meilleures, qui auraient une plus grande confiance en eux et Il n’avait pas l’intention de nous aider à vivre une existence banale. Il nous a appelés à reconnaître que le pardon auquel nous aspirons tous se trouve en Lui et en Le suivant jusqu’à la croix … C’est parce que le christianisme est vrai qu’il a quelque chose à offrir à tous et en toute circonstance, indépendamment de nos origines et de nos capacités intellectuelles. »[12]

Simon Wenham est coordinateur de la recherche pour Ravi Zacharias International Ministries en Europe.



[1] A. McGrath, Mere Apologetics [Fondements apologétiques] (Grand Rapids, 2012), 167.

[2] Article adapté de “Is Christianity Just a Crutch?” [Le christianisme est-il une simple béquille] par Simon Wenham, Pulse, Issue 10 (Spring 2012), 14-16.

[3] J. Humphrys, In God We Doubt [En Dieu nous doutons] (London, 2007), in J. C. Lennox, Gunning for God [Je me bats pour  Dieu] (Oxford, 2011), 24.

[4] McGrath, Mere Apologetics [Fondements apologétiques], 170.

[5] Idem

[6] A. Sims, Is Faith Delusion? [La foi est-elle une illusion ?] (London, 2009), in Lennox, Gunning, 77-78.

[7] C. Hitchens, God Is Not Great [Dieu n’est pas grand] (London, 2007), 232-234.

[8] G. K. Chesterton, Orthodoxy [Orthodoxie] (Chicago, 2009), 143.

[9] SEM

[10] S. Guillebaud, For What It’s Worth [Pour ce que j’en dis] (Oxford, 1999), 171.

[11] C. S. Lewis, The Weight of Glory and Other Addresses [Le poids de la gloire et autres causeries] (Grand Rapids, 1949), 1-2.

[12] D. Rodger, “Is Christianity a Psychological Crutch?” [Le christianisme est-il une béquille spirituelle ?] (from www.bethinking.org).

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