La Boue et les Palais

février 14, 2016

 [Mud and Palaces]

Par Maria Fontaine

Vous arrive-t-il de souhaiter que la vie ne soit qu’une succession de tous ces moments merveilleux où, sous une forme ou sous une autre, vos rêves deviennent réalité sous vos yeux ? Peut-être que vous apprenez de nouvelles choses ou que vous faites des progrès dans un domaine qui vous tient à cœur. Peut-être que l’argent coule à flot, ou que vous tissez des liens avec des gens qui ont soif de vérité spirituelle, et que votre vie est épanouie et prend tout son sens. Vous ressentez la chaleur du soleil de Dieu qui vous submerge du sentiment d’être abondamment béni. Même si cela demande un peu plus d’efforts que d’habitude, le plaisir et la satisfaction de ce qui a été accompli à travers vous remplit de bonheur.

Je suis sûre que nous souhaiterions tous vivre constamment ces moments merveilleux, mais la vie continue son cours et, parfois, nous devons affronter le tumulte d’expériences pour le moins pénibles. Parfois, notre foi et notre patience sont mises à rude épreuve. Il nous paraît illusoire, voire impossible, d’attribuer une quelconque valeur à ce que nous faisons. Nous ressentons un certain mécontentement vis-à-vis de nous-mêmes ou de nos circonstances, s’il semble que tous nos efforts pour faire pour le mieux finissent dans le bourbier des problèmes et des difficultés.

Dans ces circonstances, il n’est pas rare que l’on se sente abandonné ou comme si l’assistance et les conseils de Dieu étaient introuvables. Nos journées peuvent être éprouvantes au point qu’on a l’impression de patauger dans une fosse remplie de boue. Nos meilleurs efforts pour bien faire n’ont pas l’air de donner de résultats, ou si peu que nous avons la sensation de sombrer de plus en plus profondément dans un bourbier de désespérance.

Mais vous pouvez être encouragés et motivés par le fait que vous n’êtes pas seuls. Beaucoup d’hommes et de femmes de Dieu, depuis les temps bibliques jusqu’à aujourd’hui, ont connu une période « de boue », avant de pouvoir accomplir des tâches importantes qu’Il les avait appelés à réaliser.

Prenons le cas de l’apôtre Paul. Voilà un homme que beaucoup de chrétiens considèrent comme un modèle de foi inébranlable dans l’adversité et face à d’incessantes persécutions subies durant la majeure partie de son ministère. Pourtant, bien qu’en général il soit resté optimiste et positif dans les épreuves, il a eu son lot d’expériences et de périodes boueuses. Celle qui me vient à l’esprit est la période de deux ans qu’il a passée dans sa ville natale de Tarse.

Immédiatement après sa rencontre avec Jésus et sa conversion sur le chemin de Damas, Paul avait brûlé les ponts de sa vie passée. Il s’était jeté corps et âme dans la vie de disciple de Jésus. Il se donnait à fond, mais il découvrit assez rapidement que ses efforts passionnés et le scandale que sa conversion avait provoqué chez les dirigeants Juifs, avaient fait de lui un paria parmi ses anciens collègues juifs. Ils étaient tellement enragés qu’ils avaient engagé des assassins pour le tuer avant qu’il ne puisse quitter la ville. Pour couronner le tout, il n’avait pas non plus la confiance de ses nouveaux frères en Christ. En effet, la plupart d’entre eux doutaient de la sincérité de sa conversion, du fait qu’auparavant il avait persécuté les chrétiens.

Quand il s’est retrouvé abandonné de tous et rapatrié dans sa ville natale de Tarse[1], je suis sûre que Paul a dû avoir le sentiment d’avoir échoué quelque part dans sa mission. Mais il n’a pas baissé les bras pour autant et n’a pas renoncé à se servir des circonstances dans lesquelles il se trouvait, uniquement parce que son témoignage à Tarse paraissait insignifiant. Il a persévéré, avec le peu qu’il pouvait accomplir, pendant deux ans, jusqu’à ce que le Seigneur envoie Barnabas, avec la vision de propager l’Évangile en Asie mineure et, par la suite, dans tout l’Empire romain.[2]

Et parlons un peu d’Elisée ![3] Après son altercation avec la reine Jézabel et le roi Achab, au cours de laquelle il leur annonça que la sécheresse et la famine allaient s’abattre sur eux à cause de leurs péchés, Dieu envoya Elisée dans une vallée retirée, pour vivre près d’un ruisseau où il n’y avait personne à qui annoncer le message de Dieu. Il s’est probablement senti complètement inutile, assis là à faire des ricochets dans l’eau avec des pierres, en repensant à tout ce qu’il avait fait jusque-là. Mais il y a pire encore.

Essayez de vous mettre à sa place. Pendant cette période, il mourait sûrement d’envie d’aller affronter le roi et la reine avec d’autres messages de Dieu, mais sa prochaine mission n’était pas au palais, ni de se mesurer aux prophètes de Baal. Elle le mènerait à l’étranger, dans la ville de Sarepta. Pas de témoignage spectaculaire, pas de foules à inspirer ni d’ennemis à combattre. Juste une femme indigente et son enfant, qui partageraient leur taudis avec lui. Comment avait-il pu tomber aussi bas après avoir connu les sommets ? Malgré tout, il a obéi et est resté fidèle, en dépit de ce qu’il devait sûrement considérer comme une cuisante défaite.

Il a tenu bon pendant cette période difficile, et quand le bon moment est arrivé, Dieu l’a appelé à défier plusieurs centaines de prophètes de Baal. Faire tomber le feu du ciel était un acte bien plus puissant que tout ce que Dieu avait fait jusque-là par son intermédiaire, mais Elysée n’avait aucun moyen de le savoir à l’avance, pendant toute sa période de « boue » personnelle et d’inutilité apparente. A première vue, tout semblait le pousser dans la direction opposée de ce qu’il voulait faire. Il a dû se sentir faible et lâche, quand il est parti se cacher dans un autre pays. Cela a dû être très humiliant. Mais quand il a reçu l’ordre de Dieu, il est revenu dans la puissance de l’Esprit de Dieu, et il était évident pour tout le monde que c’était Dieu qui faisait le miracle.

Il est vrai que plusieurs grands hommes de la foi ont connu leurs moments de triomphe, quand ils avaient le vent en poupe, comme Joseph qui devint le bras droit du pharaon, ou Elie qui appela le feu du ciel, ou encore Daniel dans l’intimité du roi ; mais la plupart du temps, ils pataugeaient dans la boue comme tout le monde, parce que c’était là que leur foi était clairement démontrée et fortifiée.

Un jour, Joseph était au sommet du monde, à rêver que ses frères se prosternaient devant lui.[4] Et le lendemain, il était réduit en esclavage et mené de force en terre étrangère.[5] Il finit par parvenir à ce qu’il pensait sans doute être le summum du pouvoir, lorsqu’il devint le régisseur d’un des personnages les plus importants de l’Égypte. Mais sa réussite fut de courte durée, puisqu’il fut victime de la vengeance mesquine de l’épouse de son maître, qui l’envoya en prison pour avoir eu le courage de ses convictions.

J’ai peine à imaginer le gouffre de découragement et de déception dans lequel il a dû sombrer. C’était un véritable fiasco. Il a dû avoir l’impression de jouer de malchance mais il s’est relevé tant bien que mal et a continué à faire de son mieux, même s’il en était réduit à interpréter les rêves d’un ramassis de criminels et de quelques compagnons d’infortune. Dans la fange de sa prison, il se servit de ses dons, et un autre prisonnier qu’il avait personnellement aidé joua un rôle crucial pour le propulser au poste auquel Dieu l’avait destiné, en devenant le bras droit du pharaon égyptien.[6]

La puissance et l’amour de Dieu dans la vie de Ses enfants doivent se manifester dans les pires moments comme dans les meilleurs. Il faut que ça fonctionne dans la boue, pas seulement dans le palais.

Quelquefois ces moments dans la « boue » surviennent après ce que nous pensons être notre période de plus grande gloire au service du Seigneur. Mais qui peut dire ce que nous réserve l’avenir ? Ne dit-on pas : « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! »

Daniel était resté fidèle à Dieu dans toutes sortes de situations impossibles, et il avait montré à maintes reprises la puissance de Dieu à Nabuchodonosor. Pourtant, il en arriva à être persona non grata à la cour de Balthazar, le nouveau roi. Mais ce qui semblait être la fin était en fait une période de préparation pour une mission à laquelle personne n’avait pensé. Dieu intervint pour instaurer un nouvel ordre mondial, qui projeta Daniel dans une toute nouvelle mission – celle de conseiller Darius, le roi du nouvel empire Médo-Perse.[7]

Et que dire de Moïse ? Certes, Dieu avait une bonne raison de s’arranger pour que Moïse soit élevé à la cour du Pharaon, mais le destin lui réservait une tâche bien plus importante. Notre jeune Moïse, fort et sûr de lui, n’était pas prêt pour sa période de « palais » qui ferait de lui l’instrument de Dieu pour libérer son peuple.[8] Dieu le força à patauger dans la boue de Madian pendant 40 ans, dans le désert, où il fut obligé de faire confiance à Dieu pour tout. Quand on voit l’homme qu’il devint : un vieillard butant sur ses mots,[9] envoyé par Dieu pour vivre parmi les esclaves en Egypte, mais plein de foi et convaincu que Dieu allait accomplir son plan à travers lui, on a là tous les ingrédients d’un miracle.

Vus de l’extérieur, nos « palais » n’ont pas tous la même apparence. Dans le cas de Moïse, il semble que son « palais » ait été la concrétisation du désir de son cœur de pouvoir libérer son peuple de l’esclavage. Il se peut que toutes les lourdes responsabilités que cela impliquait et les nombreuses difficultés inhérentes à la conduite du peuple de Dieu, ne correspondent pas à votre idée d’un « palais », mais Dieu connaît les désirs de notre cœur et Il a promis de les exaucer si nous remettons tout notre avenir entre ses mains. Que demander de plus ?

Et que dire de Jésus ? Il a certainement connu des moments où Il pataugeait dans la « boue » ! Voilà le Dieu de l’univers, qui abandonne la gloire des cieux pour affronter les frustrations, les souffrances, et les peines de notre existence, et qui renonce à son pouvoir illimité de faire tout ce qu’Il faisait avant. Jésus ne disait-Il pas : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête. »[10] Il a souvent fréquenté les pauvres, les infirmes et les marginaux, parce que c’était surtout ces gens-là qui avaient un besoin désespéré de sa lumière. C’est ce qui nous a aidés à comprendre la profondeur de son amour pour nous.

Vous est-il déjà arrivé de vous débattre pour sortir d’un de ces « bourbiers », à vous demander pourquoi Dieu voudrait vous arracher d’une situation où vous faites quelque chose de très utile pour vous mettre le nez dans la boue ou dans un endroit qui aurait tout l’air d’une prison s’il y avait des barreaux pour entraver votre liberté ? Peut-être êtes-vous en train de traverser un de ces « moments parfaits » par lequel Il vous prépare pour quelque chose dont l’écho se répercutera dans le cœur des autres et qui se propagera jusque dans l’éternité. Marcher par la foi prend toute sa mesure quand marcher par la vue n’est plus une option.

Si jamais vous avez l’impression que tout va complètement de travers dans votre vie, au point que Dieu ne peut plus vous secourir ni vous utiliser pour quelque chose de grand à ses yeux, essayez de vous rappeler des paroles du roi David. Il avait commis des actes horribles mais, dans son repentir, il savait que l’amour divin ne le lâcherait ni ne l’abandonnerait pour rien au monde.

« Ou irai-je loin de ton Esprit? Et ou fuirai-je loin de ta face? Si je monte aux cieux, Tu y es; si je me couche au shéol, T'y voilà. Si je prends les ailes de l'aube du jour, si je fais ma demeure au bout de la mer, là aussi ta main me conduira et ta droite me saisira. Et si je dis: Au moins les ténèbres m'envelopperont, alors la nuit est lumière autour de moi. Les ténèbres même ne sont pas obscures pour me cacher à Toi, et la nuit resplendit comme le jour, l'obscurité est comme la lumière. »[11]    

Ceux que Dieu appelaient grands avaient tous en commun d’être déterminés à rester fidèles durant ces périodes où ils ne pouvaient plus voir le plan de Dieu pour eux. Ils avaient chacun leurs expériences uniques, qui avaient été conçues par Dieu pour les aider à se forger un caractère fort et sanctifié. Sans doute devaient-ils apprendre l’humilité, comme Joseph, ou obéir par la foi même si, en apparence, la situation paraissait impossible, comme dans le cas d’Elisée. Dans le cas de Daniel, l’une des choses que Dieu semblait lui enseigner, c’était que tant que nous sommes vivants, Il a un plan pour nous ici-bas, et nous ne savons jamais ce que l’avenir nous réserve.

Jésus est à l’œuvre dans la vie de chacun de nous et Il fait un travail sur mesure, parce qu’il n’y a pas deux personnes ni deux vies qui soient identiques. Quoi que puissent nous réserver le présent ou le futur, rappelez-vous qu’Il a promis qu’Il vous accompagnerait en marchant à vos côtés, dans la splendeur des palais comme dans la boue.

Première publication: juin 2013. Réédité sur Anchor, le 11 janvier 2016. Traduit de l’original anglais “Mud and Palaces”, par Jeff de Tahiti et Bruno Corticelli.

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[1] Actes 9:22–31.

[2] Actes 11:25–26, 13:1–3.

[3] 1 Rois 17, 18

[4] Genèse 37:9–11.

[5] Genèse 37:28.

[6] Genèse 39–41.

[7] Daniel 5, 6.

[8] Exode 2:10–15.

[9] Exode 4:1–14.

[10] Matthieu 8:20.

[11] Psaume 139:7–12 SEM/BDS.

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